Voici une randonnée superbe et envoûtante ! Un seul vrai bémol : c’est long et haut donc il faut être prêt à monter plus de 1700m de dénivelée…
Le Dévoluy étant assez peu connu, quelques précisions s’imposent. Pascal Sombardier a sorti un livre en 2005 qui offrait une large part à ce massif sauvage et spectaculaire mais peu fréquenté. Cela a aidé à populariser (un peu seulement car on ne croise toujours pas grand monde là-haut) un certain nombre d’itinéraires.
Cet itinéraire qui permet d’atteindre notamment la crête sublime et débonnaire qui relie la Tête de la Cavale au Bonnet de l’Evêque et au Malpasset a inspiré deux randonneurs qui sont montés là-haut pour voir un coucher de soleil. Il s’agissait de Guillaume Laget et François Lannes et ils en ont fait un retour sur Bivouak à l’époque en 2006 qui m’avait vraiment fait rêver.
Les années ont passé mais je gardais toujours cette crête dans ma tête, et un jour, en discutant d’itinéraires avec Pascal (de Valence), il me propose de faire un tour dans le Dévoluy et nous nous mettons d’accord pour monter sur le balcon des Petites Charances (le « sentier de la Baronne ») puis nous finissons sur la crête de la Cavale. Malheureusement ce jour là (automne 2012) le ciel se voile complètement ce qui enlève beaucoup d’intérêt au spectacle. Néanmoins la crête me tape quand même vraiment dans l’oeil et une évidence s’impose : il faudra que je revienne bivouaquer ici, d’autant qu’il y a un beau petit replat au Bonnet de l’Evêque…
L’année est passée ; je ne me suis pas précipité sachant que les grosses accumulations de neige de cet hiver 2013 allaient sans doute traîner là-haut et nous voilà déjà en septembre. Une petite fenêtre météo de beau temps s’annonçait ce vendredi et je me suis dit qu’il était peut-être grand temps d’y monter : un miracle comme la belle sortie au Fouda Blanc en novembre 2012 ne se produit pas si souvent. Coup de chance en plus, une réunion au bureau prévue ce vendredi a sauté quelques jours avant : pas d’hésitations il fallait profiter de ce petit créneau !
J’hésitais un peu à monter directement par l’arête de Fluchaire pour simplifier la balade qui devait être faite avec les affaires de bivouac. Néanmoins à la réflexion je me suis dit qu’il était quand même dommage de me contenter d’un aller retour par Fluchaire donc je me décide pour refaire exactement le même itinéraire que celui fait avec Pascal à l’automne dernier.
En descendant vers le Trièves depuis Grenoble, je m’aperçois hélas que le ciel est plus chargé qu’annoncé ; mais on voit par endroit les crêtes du Vercors qui dominent les nuages donc il ne devrait pas y avoir de soucis dans le Dévoluy qui est plus haut. Mais une fois quittée l’autoroute force est de reconnaître que le Dévoluy est invisible sous les nuages. Tant pis on verra bien : je maintiens l’itinéraire prévu et me gare donc au Serre, hameau de Tréminis.
Je monte vers la Grande Casse en suivant le balisage atypique. J’y arrive et effectivement il y a pas mal de nuages ; d’autre part on voit les hauts sommets bien blanchis par le givre, j’espère qu’il n’en sera pas de même au Bonnet de l’Evêque. La montée se poursuit régulièrement et je comprends que si j’ai rêvé un moment d’avoir une mer de nuages sous les Petites Charances, je risque plutôt d’y être en plein dans la brume. Tant pis j’avance mais effectivement il n’y a pas grand intérêt : les conditions sont un peu les mêmes que pour ma balade au Fouda Blanc avec Gaëlle l’automne dernier. Heureusement la brume s’estompe assez brusquement sur la fin du sentier (au niveau de la crête du Rougnou à peu près) : le moral remonte et c’est tout de suite plus sympathique !
Peu après le col du Portail je ne tarde pas à trouver la bifurcation que j’avais prise avec Pascal pour monter à la Cavale (en fait de bifurcation il s’agit de remonter un raide escalier dévoluard ; il se prend juste avant la limite de commune indiquée sur la carte IGN). Suite à l’escalier une portion un peu plus chaotique est à traverser avec quelques passages d’escalade. Je ne me souvenais plus qu’ils étaient aussi fins : ça reste vraiment facile mais un peu moins évident que les passages d’escalade que l’on trouve habituellement en rando. Peu après je débouche sur le pierrier qui mène directement au sommet de la Cavale. J’en avais gardé un souvenir très fastidieux (l’impression que les pierres reculaient plus vite que mes pas pour monter) mais finalement il passe bien cette fois. Je prends un peu le temps de regarder un gros troupeau de chamois qui s’enfuit à mon approche dans des bruits de chutes de caillasses impressionnants !
Enfin je débouche au sommet : comme l’autre fois c’est un très grand moment de découvrir la vue somptueuse qui s’offre ; d’autant plus cette fois que la lumière est belle ! Je profite largement du temps sur la crête pour faire plein de photos puis pour dîner rapidement (car en revanche le vent souffle fort et il est glacial). Enfin le soleil se couche et je gagne mon sac de couchage, pour une bien mauvaise nuit (glaciale jusqu’à plus de minuit puis le vent tombe d’un coup, ainsi que mon sommeil en conséquence).
Le lendemain matin est vraiment agréable : beau ciel bleu et température plus douce même si le sursac est légèrement givré. Je prends encore tout mon temps pour reprofiter de la crête, du Malpasset à la Cavale.
Enfin je commence la descente vers Fluchaire, que je trouve pas mal plus impressionnante que la dernière fois avec Pascal : ça parpine et les escaliers sont glissants avec leurs roulements à billes… Je suis soulagé d’en terminer par le petit passsage d’escalade qui permet de prendre pied sur l’arête de Fluchaire. Je la descends doucement car décidement je me fais vieux et je sens que les tendons du genou droit deviennent très douloureux…
Enfin sur le bas de l’arête je reprends le sentier qui mène à Courtet, et je croise le seul autre promeneur de ces deux jours : il monte au sentier de la Baronne pour faire des photos de chamois avec tout l’équipement : un piolet et un bout de corde. Je dois avouer que je suis souvent sauvageon mais là nous discutons un peu sur les troupeaux de chamois croisés ainsi que sur le sentier de la baronne : « on ne croise pas souvent du monde là-haut ; il vaut mieux ne pas faire de faux pas ». Sur ces sages paroles il poursuit sa montée alors que je continue ma descente fastidieuse.
En octobre dernier Pascal me commentait le paysage dans la nuit noire « ici tu as une belle vue sur le château des chèvres et le versant de l’Ebron » « ici les travaux sur l’Ebron sont impressionnants ». Je suis heureux de voir tout ça cette fois ! Je fais une longue pause repas / sieste sur le bord de l’alpage de Courtet en laissant reposer l’articulation du genou.
Plus bas en ayant marre de la piste 4×4 je reprends comme avec Pascal la portion forestière qui traverse la combe Amare pour ramener directement sur le sentier du Serre : c’est bien plus beau mais le prix à payer est une petite remontée… Enfin je retrouve la voiture fourbu mais heureux !
Que dire de plus : j’ai vraiment l’impression d’avoir eu la chance de faire une randonnée magique qui vaut quelques mercis : à Pascal Sombardier d’avoir fait connaître ces coins, à Guillaume et François de m’avoir fait rêver d’y aller et à Pascal de Valence de m’y avoir conduit . Je sais ça fait un peu « cérémonie des Césars » mais c’est sincère !!
Une petite vidéo ici :
Un balisage assez particulier pour monter à la Grande Casse !
Quelques champignons…
Peu avant la Grande Casse on tombe sur des bouts d’avion…
… et leur histoire : l’accident du pilote de l’US Air Force Wesley J. Brooks en 1963.
Pour tout savoir sur cet accident (lien en anglais).
La suite n’est pas engageante, mais la dénivelée à monter est encore telle qu’il y a de l’espoir !
Une étonnante plate forme dans la montée vers la Seia.
On devine mieux le sentier des Charances, et je me mets à rêver que les nuages stagnent sous l’à-pic. (au passage noter sur la photo le petit sentier sur le bas qui semble une évidence à suivre quand on monte mais qui induit en erreur : pour les Petites Charances il faut continuer à monter et ne pas suivre ce sentier qui va se perdre vers les Mouroux Blancs).
Le Ferrand est bien givré.
Premières difficultés avant d’arriver aux Charances, et la brume est bien là…
Le « choc » (selon la belle expression de Bernard Mazas) ne l’est pas tellement aujourd’hui…
Heureusement au niveau des crêtes du Rougnou les nuages s’estompent assez brusquement.
Et la suite du sentier est dans une ambiance plus agréable.
L’échancrure du col du Portail.
Regard en arrière sur la fin des Petites Charances.
Un dernier épaulement à franchir (contreforts descendant à l’ouest de la pointe 2617)…
… et je débouche sur l’escalier à remonter vers la Cavale.
Un peu plus haut on peut aller sur le bord à gauche d’où se dégage la vue vers Fluchaire.
Puis en progressant encore un peu on aperçoit le sommet de la Tête de la Cavale, et notamment le couloir d’éboulis qui nous permettra de déboucher pile au sommet (l’entaille visible en haut à droite de la photo).
Un troupeau de chamois : fréquent en Dévoluy mais farouche…
Je n’en avais pas gardé souvenir mais sur le haut du couloir qui se remonte par l’escalier dévoluard (une sente y est bien matérialisée par quelques cairns), on débouche sur ce petit mur à escalader (c’est difficile de se rendre compte sur la photo d’autant que je m’y suis lancé en pensant que ce n’était sans doute pas l’itinéraire adéquat donc je n’ai pas mitraillé ; c’est sur la droite de la photo, au pied du mur plus raide qui ferme la photo à droite). Il n’y a rien de vraiment difficile ni d’exposition réelle mais c’est tout de même un peu plus impressionnant et fin que ce que l’on trouve habituellement en escalade de randonnée…
Cette fois le plus dur est fait : on peut souffler et attaquer le pierrier à remonter directement jusqu’à la brèche du sommet.
Après un dernier effort, voici enfin la délivrance et l’instant magique avec l’arrivée sur la Tête de la Cavale (vue vers le sud avec le Ferrand et le Pic de Bure au fond).
Vers le nord : la belle crête qui mène au Bonnet de l’Evêque et au Malpasset, puis à l’Obiou.
Regard en arrière vers la Tête de la Cavale.
La cheminée qui permet de redescendre vers Fluchaire.
La falaise des Gillardes, site d’escalade réputé.
Me voici au Bonnet de l’Evêque, avec la vue sur le Rattier.
Avec ce vent glacial le givre ne fond pas…
Vers l’Obiou et le Malpasset.
Le jour baisse, me laissant tout loisir pour flâner sur la crête avec cette ambiance magique.
Je remonte à la Tête de la Cavale.
Puis je reviens au Bonnet de l’Evêque, et le soleil se couche.
A la tombée de la nuit, les nuages enserrent encore bien le Jocou.
Après une bien mauvaise nuit (je commençais presque à m’habituer à bien dormir en bivouac), l’aurore me réveille…
Puis les premiers rayons réchauffent le paysage.
Le Rattier et le Bonnet de Calvin.
Un aperçu de mon bivouac : presque tout confort non ?
Vers l’intérieur du Dévoluy :
Puis je remonte à nouveau à la Tête de la Cavale.
Enfin l’heure tourne, il est temps de redescendre d’autant plus que je sens que ça ne sera pas une partie de plaisir avec mon genou. La descente vers Fluchaire commence par une petite cheminée à laquelle succède une alternance de pierriers et de gradins : ça glisse avec l’effet de roulement à billes et les chutes de pierres sont dangereuses. Le casque y est plus que conseillé et une grande prudence est à observer à plusieurs : malgré mon attention j’ai fait partir un caillou de la taille d’un ballon de rugby que j’ai vu rebondir puis entendu dévaler quasi jusqu’au sentier que l’on rattrape au bas de Fluchaire…
La première cheminée donc (vue du bas ; en photo c’est bien plus impressionnant qu’en réalité).
Puis il faut descendre dans le pierrier et les escaliers ; on distingue une vague trace et il y a quelques cairns (maintenant c’est moins impressionnant en photo qu’en réalité)…
Enfin on parvient au dernier muret à désescalader : il n’y a pas de difficultés c’est un escalier (et étant plus fréquenté il n’est pas trop recouvert de graviers). Comme la perspective en photo fausse pas mal la difficulté je mets une photo du haut et du bas : vous vous ferez votre idée !
Puis je parcoure la longue et régulière arête de Fluchaire.
Au bas de laquelle s’ouvre une cavité étonnante : bien trop grand pour un terrier mais bien petit pour une mine… Si quelqu’un a des infos…
Puis je prends le sentier qui ramène vers le nord et l’alpage de Courtet.
A Courtet je fais une longue pause qui fait du bien, en ayant un excellent point de vue sur les endroits parcourus.
Enfin la descente continue ; une première traversée de l’Ebron est l’occasion de voir les travaux impressionnants dans le lit du cours d’eau.
La traversée de la combe Amare amène à traverser le ruisseau des Chaberts qui offre aussi un point de vue intéressant.
Peu avant le Serre, c’est le Ferrand qui s’impose dans le paysage.
Et enfin c’est le retour à la civilisation : la balade est finie…
Super sortie Cédric, un très beau reportage avec des photos superbes.
Pas eu trop froid là haut?
Merci ! Le soir si, c’était vraiment glacial avec le vent ! Je pense aussi que le sursac comprimait trop le duvet qui du coup n’était pas assez isolant. J’aurais dû essayer sans mais je craignais la rosée… Bref une prochaine fois il faudra que j’essaye autrement pour voir.
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